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Gilles Floriou, psychologue clinicien formé en criminologie, nous parle du silence de la victime et de la reconstruction. 

Qu’est-ce qui pousse une victime à se terrer dans le silence ?

 

Le silence de la victime la loi du silence est une injonction, plus ou moins subtile, directe ou indirecte, d'imposer à l'enfant de taire la situation incestueuse, de n'en rien dire à personne. Par ailleurs, l'agresseur use et abuse du registre affectif dans cette finalité. Le cas Olivier Duhamel est d'ailleurs un exemple typique d'omerta. Et plus l'enfant est jeune et immature, plus la parole est impossible. Ne reste que pour les intervenants sociaux qu'à tenter de déceler les signes de souffrance de l'enfant, qui s'expriment par le dessin, les conduites socialement inadaptées, la violence contre soi ou contre les autres, la délinquance, la dépression, les tentatives de suicide, les troubles de conduites alimentaires... (ce qui oblige à une solide formation).

 

D'autre part, il y souvent une loi du silence imposée à tous les membres dans certaines familles incestueuses ou l'inceste est loi. La loi du père tyrannique est imposée à l'intérieur du clan, et les lois de la société totalement bafouées. J'ai vu des familles ou les nombreux enfants étaient décrits comme totalement insoumis et violents par les institutions, à commencer par les institutions scolaires, les plus grands ayant déjà commencé une carrière de délinquants, et décrits par les intervenants sociaux (AEMO, investigation judiciaire...) qui entraient dans ces familles comme hyper respectueux du père et totalement discipliné à ses lois : « Tout est bien rangé dans cette maison, tout est bien organisé, les enfants très respectueux de leur père, et celui-ci désolé de la conduite de ses enfants à l'école nous reçoit avec cordialité. Nous ne voyons pas de problème... », disent les éducateurs.

 

 

Dans les cas d’inceste le parent qui n’y participe pas mais qui vie sous le foyer est au courant (déni, ou autres) ou est-il possible qui l’ignore totalement ?

 

Le silence de la victime si les procès d'assises jugent coresponsables peu de femmes, la clinique (c'est à dire la pratique du psychologue clinicien et du psychothérapeute) révèle que nombre de femmes sont dans un consentement inconscient (et certaines sont participantes). La clinique révèle que nombre de femmes dont l'enfant est abusé par leur conjoint, par leur frère ou encore leur propre père, ont été elles-mêmes abusées dans leur enfance, et parfois par la même personne que celle qui a abusé de leur enfant, le grand-père souvent. Très souvent, elles sont dans le déni, un déni tel que la réalité de leur propre traumatisme a disparu de leur conscience et les empêche de voir l'abus se réaliser sur leur enfant. On parle d' « amnésie traumatique », terme qui ne fait pas consensus parmi les psy, mais qui révèle le mécanisme de défense psychique qu'est le déni. Il faut noter que le déni est un mécanisme puissant empêchant toute remontée à la conscience des faits traumatiques antérieurs, empêchant totalement de voir ce qui devrait être vu ; à juste titre, la responsabilité de la personne ne peut être engagée.

 

Pour certaines femmes, dont la perversité est dominante, c'est elles-mêmes qui organisent le viol de l'enfant par le conjoint, directement ou indirectement (ne serait-ce qu'en se mettant en ménage avec lui en toute connaissance de cause), de manière à mettre leur enfant sur « l'hôtel du sacrifice » : ce que l'on peut entendre comme une sorte d'exorcisme, amenant à faire rejouer par son enfant la scène traumatique initiale, à faire souffrir l'enfant de la même manière qu'elles l'ont été pour se débarrasser de leur propre souffrance. Et cela plus ou moins consciemment. 

 

Mais attention, est-ce à dire que toutes ces femmes ont été abusées dans leur enfance ?

 

Non, bien sur. Est-ce à dire que toutes les femmes, même anciennement abusées, sont complices ? Pas plus. Certaine n'ont rien vu, rien perçu, le conjoint étant un grand manipulateur, un séducteur, qui veille à ne laisser aucune trace du crime, et instrumentalise l'enfant dans cette optique pour qu'il ne parle jamais : « Si tu le dis à ta mère, elle ne va pas comprendre notre amour et elle va se suicider ». Et même les psy peuvent se faire avoir face au déni.

 

 

G.Floriou :
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